Création d’une affiche

Création d’une affiche: du Croquis à l’Affiche, Le Processus Créatif de Cappiello

Maurin quina par Cappiello

Les vignettes

Un client demande une affiche pour un produit déterminé. Comment Cappiello va-t-il la concevoir ? Sachant que son imagination est sans limite et qu’il a mille idées à l’heure, le processus de création d‘une affiche commence par jeter sur le papier les premières idées qui lui viennent à l’esprit. Il utilise pour cela n’importe quel « bout de papier » souvent de la taille d’un timbre poste : le coin d’une enveloppe, le dos d’une liste de courses, un faire part de mariage, etc… La surface du papier est utilisée dans tous les sens. Puis il travaille l’idée jusqu’à obtenir l’arabesque finale qui devra accrocher l’œil du passant.

Ces graphismes sont réalisés à la plume ou au crayon.

Mais Cappiello pense en couleurs. Des indications en ce sens sont fréquentes.

Vignette Picon, 1920 par Leonetto Cappiello
Vignette Auto, 1925 par Cappiello
Vignette Cinzano par Cappiello, 1932

Absinthe J. Edouard Pernot (1901)

Les esquisses

La réalisation d’une esquisse est une étape cruciale dans le processus de création d’une affiche. On ne peut rien demander à un client tant qu’on ne lui a pas montré ce que l’on va lui proposer. Cappiello commence l’esquisse sur une feuille de papier. Au fur et à mesure de l’évolution de son imagination, il a besoin de plus en plus d’espace. Il doit coller des bandes de papier supplémentaires en haut, en bas, à droite ou à gauche. Il n’est pas rare de voir des ajouts sur les 4 côtés.

Les dimensions finales des esquisses vont de 50 x 40 cm pour les plus petites à 100 x 80 cm pour les plus grandes.

Il ne revient pas sur l’arabesque qu’il a retenu. En général, s’il y a deux exemplaires le deuxième est plus abouti et comporte des lettres. mais pour satisfaire les exigences d’un client il peut présenter plusieurs projets différents. Les projets non vendus seront proposés à d’autres  après adaptation.

Pneumatici Salga (1920)
Equipneu (1931)

Avec Vercasson, les esquisses sont présentées aux clients dans l’état où Cappiello les a réalisées, juste un simple cachet de l’imprimerie P. Vercasson est apposé au dos.

Avec Devambez la technique s’améliore. Pour rendre l’esquisse plus attrayante l’éditeur la rigidifie en la collant sur un papier fort ou sur un carton. Il lui met un passe-partout et un rabat protecteur. Sur le dessus du rabat une étiquette de Devambez indique le titre de l’œuvre suivi d’un numéro d’inventaire compris entre 5000 et 6101. Pour permettre une présentation verticale au client, une ficelle de suspension traverse la partie supérieure du passe-partout au travers un œillet.

Radiola (1929)

Radiola (1929)

Toblerone (1926)
Toblerone (1926)
Cognac (1922)
Toblerone (1926)

Les photos en noir et blanc

A partir de 1912, à la suite d’un procès pour contrefaçon pour une lotion capillaire qu’ils ont gagné, Vercasson et Cappiello décident de photographier en noir et blanc toutes les nouvelles esquisses et de déposer les images à l’Institut de la Propriété Intellectuelle (INPI). Des tirages complémentaires ont été collées dans des albums pour servir d’inventaire ou pour présenter aux clients.

Pendant la période Devambez, la méthode s’est systématisée. Les photos ont été prises en 18 x 24 cm. Une seule photo est collée par page de l’album-inventaire. A chaque fois est mentionné le nom de l’œuvre, sa date de création et le numéro d’inventaire. Une partie est réservée à la gestion des prêts.

Le Musée des Arts Décoratifs à Paris détient un exemplaire de quelques albums. Ces livres de photos sont la base de notre catalogue raisonné. En les lisant, on s’aperçoit qu’on a perdu la trace de nombreuses esquisses.

Les photos peintes

La taille des esquisses rend leur présentation au client malaisée. C’est pourquoi Cappiello, Vercasson et surtout Devambez ont recours aux photos peintes.

Les photos prévues pour les albums sont tirées en plusieurs exemplaires. Une au moins est peinte.

Chez Devambez la photo est collée sur un carton et peinte comme l’original, encadrée avec un passe-partout éventuellement mieux centrée. L’ensemble est doté d’un rabat pour le protéger. Au dos, il y a en général le tampon « Devambez » et le  numéro d’inventaire.

L’ensemble fini mesure toujours sensiblement 25 cm x 32 cm hors tout.

Dans la période Vercasson, les photos peintes sont généralement signées. C’est plus rare dans la période Devambez. Elles ont parfois servi de bon à tirer.

Nota : les photos peintes d’une esquisse sont réalisées à quelques jours d’intervalle avec les mêmes gouaches (sauf quand Cappiello a voulu tester une autre couleur, cas rare). Si dans ce Catalogue raisonné les couleurs sont parfois différentes ceci est du au fait que les photos ont été prises dans des conditions différentes (photographe, appareil, lumière).

L’avantage de ces photos est de permettre à Cappiello de faire facilement des variantes en les peignant différemment, par exemple un recadrage, un changement de couleur, l’ajout ou la suppression d’un détail, l’ajout de lettres (exemple : « Pâtes Alimentaires » ou « Sanitas »). Elles sont faciles à transporter et bien protégées. Si les photos peintes ne participent pas vraiment au processus de création d’un affiche, elles sont très importantes pour aider le client à préciser ses choix.

Pâtes alimentaires (1923)
Pâtes Alimentaires (1923)
Sopas Garriga (1923)
Sopas Garriga (1923)
Sanitas (1920) Variante 1
Sanitas (1920)
Variante 2
Variante 1
Variante 3
Variante 2
Contratto (1920)

Les maquettes

Une fois l’esquisse validée par le client, Cappiello entreprend son agrandissement qui peut aller jusqu’à 200 x 130 cm. Il travaille sur du papier entoilé monté sur châssis. Les maquettes sont peintes avec de la gouache ou du pastel. Leurs fonds sont souvent de grands aplats à la détrempe très travaillés, ce qui leur donne une texture qui met en valeur l’arabesque et interdit toute monotonie. Dans le dessin de nombreux détails rendent le sujet bien vivant. Ainsi pour « Contratto », les touches blanches de la robe positionnées sans aucune symétrie lui donne de la légèreté, la mousse dessinée au pastel est particulièrement évanescente. C’est à ce niveau que le talent de Cappiello se sublime et fait de ces maquettes de véritables chefs-d’œuvre.

Malheureusement une maquette ne suffit pas toujours pour séduire définitivement un client. Une deuxième est nécessaire. Parfois la maquette n’est même pas vendue. Elle est alors proposée à d’autres clients. C’est le cas de celle faite pour « Champagne » finalement vendue avec une petite adaptation au « Suc du Velay ».

Champagne (1902)
Suc du Velay (1902)

Les lithographies

L’affiche est imprimée suivant le procédé de la lithographie. Chaque feuille est pressée sur une pierre gravée en creux, remplie d’encre d’une seule couleur, et cela autant de fois qu’il y a de couleurs différentes.

Cappiello assiste à l’impression. Il apporte lui-même, si nécessaire, de petits ajustements sur la pierre et contrôle les couleurs. Dans ces conditions l’affiche est dite «originale». Pour les retirages, la présence de Cappiello n’est pas systématique.

Certaines affiches ont été tirées pour la première fois sans la présence de Cappiello. C’est le cas par exemple des Parfums Blamys. L’affiche, propriété de Vercasson, a été vendue aprés la fin du contrat avec Cappiello. C’est le cas aussi de Barbier Dauphin éditée aprés sa mort. Dans ces cas la signature est complètée par la mention : « D’après ».

Les mesures indiquées dans ce catalogue pour les lithographies sont les dimensions de la feuille de papier sans tenir compte d’un éventuel entoilage.Deux tirages semblables peuvent avoir des mesures différentes de plusieurs centimètres, car il est fréquent de couper une partie des marges abimées lors d’une restauration. Une différence d’hygrométrie ou de température peut également avoir une influence.

Florio et Cinzano (1925)